Le poème est un voyage
qui embarque le bureau
quand la voile est une page
et puis l'encre c'est de l'eau
alors le bois se soulève
et s'immerge dans le port
de ce bois est fait mon rêve
et la vie vire de bord
Salut tous les monuments
enracinés tout autour
du quai ce sont les amants
veillant la mer par amour
et salut toutes les barques
qui humez l'air du lointain
que pas une ne remarque
mon équipage incertain
me voici au vent du port
pour partir à chaque instant
et ne pas partir pourtant
mais le rêve est un transport
salut toutes les lumières
en farandole sur l'eau
la nuit quand chaque bateau
s'enroule au creux de la mer
et salut tout le soleil
éparpillé par éclats
le jour quand ici et là
chaque bateau se réveille
je rencontre l'amoureux
du large trop à l'étroit
près du phare il se tient droit
il a presque l'air heureux
"j'en ai marre de la mare
où me crie-t-il on s'enfonce
d'ici je scrute le Mare
Nostrum j'y vois la réponse"
dans les senteurs portuaires
de bois de sel de gaz-oil
qui chargent à ras bord l'air
de noeuds marins et d'étoiles
grince la porte du sud
et se déplie le rivage
comme le fait une étude
au dessin sur une page
et s'entrouvre sur ailleurs
tandis que glissent les rives
vers des paradis en fleurs
ou des enfers qui dérivent
dès qu'il passe la colline
le soleil montre la voie
à la proue et clair tu vois
ce que la mer te destine
des îles lieux d'utopie
où peut-être recommence
l'Histoire ton existence
les matins inaccomplis
tant de cités maritimes
que tu n'auras pas connues
dans les gestes les plus nus
de leurs rues les plus intimes
et tant de peuples du loin
aux façons les plus étranges
dans lesquelles tu te changes
pour te faire plus humain
Bon vent aux jeunes marins
qui embrassent la marine
puis que notre terre étreint
contre sa vaste poitrine
non je ne suis pas parti
vers les vagues horizons
le quai du port c'est petit
dans l'espace et les saisons
le bureau reste immobile
c'est un navire à l'amarre
au beau milieu de la ville
que les feux de nuit chamarrent
je m'imagine en partance
comme j'invente ma vie
seul le poème a servi
de cap à mon existence